Ellie
— J’en ai marre ! pesta Ellie en refermant un dossier.
Il s’agissait d’un énième rapport qu’elle avait dû remplir sur ordre du capitaine Gordon. Sur un coin de son bureau s’amoncelait le travail de ses collègues. Depuis son intégration dans sa nouvelle brigade, elle s’occupait de la paperasse des autres inspecteurs. Comme si elle ne s’apparentait qu’à une simple secrétaire.
Le chef Gordon avait, semble-t-il, oublié qu’elle était leur égale. Le terrain et les vraies enquêtes lui manquaient. Elle éprouvait la dérangeante impression de se trouver en période de probation.
— Calme-toi, tenta de l’apaiser Anton, son coéquipier.
— Tu ne te sens pas remisé au placard ?
— Non, j’en suis sorti depuis un bail, répliqua-t-il avec un sourire.
— Justement, Anton. Tu ne crois pas que c’est à cause de ça, ces tâches ingrates et les affaires de vol à l’étalage ?
Tout comme Ellie, Anton était issu d’un transfert. Ils avaient chacun opté pour la mutation à l’ambiance délétère de leur ancien commissariat. Leurs vœux avaient pris un certain temps à être acceptés. Néanmoins, l’attente avait valu la peine, se consolait Ellie depuis qu’elle avait rencontré Anton.
— Tu accuses le capitaine de misogynie et d’homophobie ?
— Je le blâme surtout de laisser sur la touche des enquêteurs tels que nous. On serait cent fois plus utiles ailleurs qu’ici.
— Je pense que c’est un moyen pour lui de nous familiariser avec les problèmes du district.
— Les délits sont les mêmes partout à Los Angeles.
— Mais varient d’un quartier à l’autre. En nous faisant rédiger ces rapports, il veut sans doute nous montrer une vision d’ensemble de ce qui nous attend.
— Comment fais-tu pour être aussi raisonné ?
— Des années de pratique. Il faut essayer de voir au-delà de l’individu.
— Et pendant ce temps, je rêve qu’une personne soit forcée d’aller dans l’au-delà pour sortir de cette cage. C’est dire à quel point je n’en peux plus.
Ellie souffla et passa une main sur sa tête. Elle ôta l’élastique qui retenait ses cheveux châtain foncé en une queue basse. Cette coiffure marquait sa concentration et son implication lorsqu’elle se plongeait dans des tâches studieuses. Une manie qui datait de sa scolarité et qui, dans le milieu masculin qu’elle arpentait, lui valait sérieux et respect. Masquer le plus sa féminité afin d’être remarquée pour ses résultats. Une hérésie qu’elle avait voulu combattre au début. Avant de se résigner face à l’enracinement de vieilles conceptions.
Lasse, Ellie s’enfonça dans son siège et oscilla de gauche à droite, le regard se confrontant au vide des lieux. L’open space s’étalait en plusieurs box dans un décor gris bleuté. Chaque duo d’inspecteurs avait droit à son carré privé.
D’ordinaire, le central était animé en journée. Or, à cette heure de la nuit, le calme moribond donnait envie de se morfondre.
De garde, Ellie et Anton restaient là, à se croiser les bras, tandis qu’une autre équipe se trouvait sur le terrain. Taper sur un clavier, ce n’était pas se dresser au cœur de l’action. Le scroll de la souris ne valait pas la sensation du doigt sur la gâchette. Pas qu’elle ait tendance à tenir son arme à tout bout de champ en espérant faire feu. Non. Cette solution n’était réservée qu’en cas d’extrême nécessité.
Anton se leva de son bureau et traîna son mètre quatre-vingts jusqu’à l’imprimante. À son air appliqué, Ellie se dit qu’elle devrait peut-être prendre exemple sur lui. Son coéquipier, dont elle partageait la petite trentaine, rappelait un soldat docile. Anton obéissait sans contredire les ordres. En plus d’être gentil et drôle.
Ellie aussi respectait la hiérarchie, toutefois elle n’hésitait pas à faire entendre son avis. Son ex la surnommait affectueusement « grande bouche ». La première fois qu’il avait utilisé ce sobriquet, elle avait mis une fraction de seconde à comprendre qu’il parlait de son caractère. Car Ellie possédait des lèvres tout à fait ordinaires, si ce n’était un peu charnues.
Et à l’occasion, Peter, du genre poli et charmeur, les avait employées avec une certaine grivoiserie.
Aurait-elle pu y déceler un indice ?
Ellie relégua ce souvenir et, admirative, observa Anton. Les impressions dans les mains, il revint à son poste, ses yeux marron rivés aux lignes noircies. L’alliance à son doigt révélait le flair de son mari. Guy Ramsey avait eu raison de l’épouser.
Ellie n’avait pas assisté à la noce. Ils ne se connaissaient que depuis deux mois, mais elle s’était d’emblée prise de sympathie pour Anton. Un élément non négligeable quand on était partenaire. Tisser des liens profonds devenait une exigence dans la profession. Il fallait pouvoir compter sur l’autre, savoir qu’au-delà d’un simple devoir, votre équipier assurait vos arrières. Vous sortirait du danger sans hésiter.
Ellie et Anton passaient une bonne partie de leur temps libre ensemble. Au départ, elle s’était demandé si le couple n’avait pas eu pitié d’elle. Or en vérité, ils adoraient sa compagnie et réciproquement. Ils s’étaient adoptés.
— Tu devais être le chouchou des enseignants, supposa-t-elle alors qu’Anton s’installait.
— Surtout d’un à la fac, avoua-t-il en classant les feuilles.
— Anton ! s’exclama-t-elle, surprise.
Ellie ne l’imaginait pas séduire un professeur. Il ne correspondait pas au profil. Comme quoi, il fallait se méfier.
Si Ellie proscrivait les a priori durant ses enquêtes, il n’en était pas de même dans sa vie de tous les jours. Il lui arrivait de succomber à la facilité. Émettre une idée sur l’autre s’avérait un brin inné pour le genre humain, une réaction aussi normale que de respirer. Toutefois, cet automatisme se voulait sans mauvaise pensée quand elle y cédait. Les gens, par leur apparence, donnaient des indices sur leur caractère. Il n’était pas rare de s’y engouffrer pour peindre leur portrait.
Ellie avança sa chaise à roulettes jusqu’au coin de sa table de travail et s’y accouda.
— Raconte-moi tout, demanda-t-elle, avide de détails.
— Il n’y a pas grand-chose à dire.
— Il est vingt-deux heures trente et je m’ennuie ferme. Ne te fais pas prier, je suis sûre que c’est palpitant. C’est ça ou je me tire une balle !
— Ça ne sera pas nécessaire, quelqu’un s’en est chargé à votre place, annonça une voix.
— Capitaine ! s’exclama Ellie en bondissant de sa chaise.
Elle releva la tête pour s’arrimer au regard de son supérieur, qui frisait les deux mètres. Les photographies de remises de médailles exposées dans la vitrine du couloir permettaient à Ellie de constater l’évolution de l’homme à travers les années. S’il s’était épaissi, elle ne doutait pas de ses compétences physiques. Elle n’aimerait pas se trouver à la place du prévenu qu’il plaquerait au sol pour le menotter.
— Inspecteur Burton, toujours réactive, à ce que je vois.
— Il y a eu une fusillade ? enchaîna-t-elle, droit au but.
— En effet, à la terrasse du Sea Floor, où se tenait une réception.
— Combien de victimes ?
— Un mort et un blessé léger. Allez-y.
Ellie attrapa sa veste marine sur le dossier de sa chaise et la passa avec aisance, Anton sur ses talons. Sa démarche à pas pressés se confondait en de petites foulées. Ses bottines décomptaient les secondes qui la séparaient du meurtrier.
Elle appela l’ascenseur, ses yeux bleus s’impatientant sur le cadrant numérique. Le ding retentit. Les portes eurent à peine le temps de coulisser qu’elle s’engouffrait à l’intérieur.
L’adrénaline parcourait son corps en des frissons qui lui hérissaient le duvet de la nuque. La traque de l’assassin s’engageait.
— Ton vœu a été exaucé, lâcha Anton à ses côtés.
— Ne dis pas de connerie, rejeta-t-elle en appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée.
Ellie prit une profonde inspiration. Ce qu’elle avait lancé n’avait pas engendré l’homicide. La mort survenait à tout instant dans son métier. La tourner en dérision lui permettait de décompresser. Ses paroles tenues plus tôt ne faisaient pas d’elle un monstre.
Elle le savait.
Mais cette malencontreuse synchronie jeta un trouble sur ses accès de légèreté.
Elle avait dépassé ça. Cette catégorie de croyance magique.
Elle soupira pour se défaire de cette ânerie. Cela ne lui appartenait pas. C’était l’angoisse qui agissait. Le stress de se montrer irréprochable. Elle devait dompter ses émotions pour ne pas basculer.
J’ai dépassé ça.
— Je suis nerveux comme si c’était la première fois, confia son coéquipier.
Oui, c’était à cause de ça. Un brusque changement dans son train-train quotidien.
Serait-elle à la hauteur ?
— C’est toujours une première fois, répondit Ellie.
Ellie
Le Sea Floor était un établissement hôtelier du bord de mer. Si son nom évoquait des chambres pieds dans l’eau, il se situait en réalité à trois rues de la plage. Cette petite tromperie se retrouvait néanmoins compensée par un standing quatre étoiles. Le meurtre avait eu lieu au dernier étage.
Ellie traversa la salle de réception sans prêter attention à la décoration festive et chic. Seuls les agents en uniforme en train d’interroger les convives au milieu des tables attirèrent son attention. L’assistance se composait en grande majorité d’hommes sur leur trente et un. Costume sombre, cravate, coiffure impeccable. Elle comptabilisa une ou deux femmes en robes de cocktail.
Le gala paraissait réunir une population jeune et masculine.
— Je crois que tous les beaux gosses de la ville sont planqués ici, commenta Anton.
— Tu es marié, lui rappela Ellie.
— On m’a retiré ma « liberté », pas mes yeux.
— Les mecs ! Y en a pas un pour rattraper l’autre.
— J’ai l’impression de les connaître, observa Anton.
— Tu as sans doute couché avec eux après ton professeur, le railla-t-elle.
Elle se dirigea vers la scène de crime au périmètre délimité par un ruban jaune et noir. Ellie souleva la bande en plastique et passa en dessous.
La terrasse du troisième étage offrait une vue imprenable sur l’horizon. Cependant, le Pacifique se distinguait à peine de la nuit.
Deux projecteurs télescopiques avaient été installés afin d’obtenir un meilleur éclairage.
Ellie s’arrêta aux pieds du corps photographié sous toutes les coutures par un agent de la police scientifique.
Allongé sur le côté, l’homme sans vie baignait dans une mare de sang.
La flaque d’un rouge luisant ressortait sous cette lumière vive, la pièce maîtresse de ce tableau macabre.
Du moins pour Ellie.
Elle l’avait vu d’emblée ; sa gorge se resserrait. Le liquide, comme un aimant, tractait ses craintes enfouies, à l’instar de pêcheurs remontant leurs filets à la surface de l’eau. L’angoisse formait une boule dans son estomac. Son cœur s’accéléra.
Ellie respira pour reprendre le contrôle et vérifia la distance la séparant du fluide. Ses orteils se recroquevillèrent dans ses bottines, dont elle établit un rapide inventaire. Aucune inquiétude à avoir, se sermonna-t-elle. Le centimètre d’épaisseur de sa semelle pareil à un sas hermétique la protégeait de contacts inopinés. De toute manière, elle veillerait à se montrer prudente ; jamais par le passé elle n’avait souillé l’espace d’investigation.
Ellie s’exhorta à se rasséréner et à se détacher de ce coup de chaud irrationnel. Elle ne le savait que trop. C’était sans doute cela qui l’agaçait le plus. Pourtant elle avait un mal fou à s’en défaire. Les autres n’avaient pas l’air de se soucier du scénario contenu dans ce sang.
Ellie les enviait et se détestait.
Il lui fallait donner le change et se concentrer pour éloigner le stress. Elle souffla alors et orienta ses pensées sur l’affaire. Garder l’esprit occupé l’aiderait à réduire l’angoisse. En situation d’exposition, sa maladie campait un espace mental important.
Ellie étudia les environs, deux immeubles se dressaient de part et d’autre de l’hôtel. Un pigeonnier idéal pour un tireur en planque. Le meurtrier ne l’avait pas choisi au hasard.
— Une balle en plein cœur. Elle lui a été fatale. Dr Hines, se présenta le médecin légiste.
Il tenait dans sa main une pochette en plastique, à l’intérieur, un portefeuille en cuir.
— Inspecteur Burton. Et voici l’inspecteur Bowman.
Anton utilisait son nom de naissance dans l’exercice de ses fonctions.
Ellie, elle, ignorait si elle garderait le sien une fois mariée. Mais pour l’heure, la question ne se posait pas. Célibataire depuis un moment, elle ne cherchait pas de relation. Pas après ce que Peter lui avait fait endurer. Quelque chose s’était brisé en Ellie. En plus de ses rêves et de sa vie avec lui, la tromperie de Peter avait anéanti sa confiance. En l’autre, et en elle aussi.
C’était sa faute si elle avait changé.
Empreint d’un air grave, Anton s’approcha de la victime et s’accroupit au niveau de son visage. Ellie sentit son cœur s’emballer, ses orteils se contracter. Toutefois, elle se raisonna dans la seconde : elle ne devait pas réagir de la sorte.
Au contraire, elle devrait prendre exemple sur Anton.
— On sait qui c’est ? s’enquit-elle à l’attention de l’expert.
L’esprit occupé.
— Ryan Seed ! s’écria son coéquipier.
— Tu le connais ? s’étonna Ellie.
Anton se releva brusquement et rebroussa chemin.
Ellie scruta le sol ; il n’avait laissé aucune empreinte de sang. Le seul endroit possiblement contaminé restait celui où gisait le corps.
Rassurée, elle suivit Anton du regard, intriguée par sa réaction.
Il se planta à la limite de la zone balisée et donna l’impression d’épier la salle.
— Timothy Perkins, de son état civil, ajouta Hines.
— Ryan Seed est donc un pseudo, conclut Ellie. C’est un artiste ?
— On peut dire ça, éluda le médecin.
— C’est un acteur, précisa Anton en revenant vers eux.
— Je dois être larguée. Sa tête ne me dit rien.
— Normal, il joue dans des films pour adultes destinés aux hommes…
— Soit quatre-vingt-dix-neuf pour cent de l’industrie du X…, l’interrompit Ellie.
— … qui aiment les hommes, la coupa Anton.
— Ah. Je comprends mieux.
Ellie revint à la victime.
Son dernier souffle maintenait encore le teint clair de son visage paisible. Avec ses cheveux blonds plaqués sur le côté, elle lui imagina des yeux bleus saisissants. Un tatouage dépassait du col de son smoking et touchait l’arrière de son oreille décorée d’un piercing. Hormis le sommet de son crâne, le reste de sa tête était rasé à blanc.
Timothy Perkins, de son nom de scène Ryan Seed, devait être beau de son vivant.
Elle soupira. Il devait avoir environ son âge, voire un peu moins.
Ellie ignorait ce qui avait conduit Timothy Perkins à cette fin tragique, mais elle rageait contre celui qui avait cru avoir droit de vie ou de mort sur sa personne.
Qu’avait-il commis pour que son assassin pense qu’il méritait un tel sort ?
L’annonce de la douloureuse nouvelle à la famille de Timothy surgit dans son esprit et Ellie repoussa cette vision. Il y avait un temps pour tout.
Pour l’instant, il fallait mener les premières investigations.
Un agent du soutien technique s’approcha du corps et se baissa à sa hauteur. Au creux de sa main gantée, un téléphone. Il prit délicatement le pouce de la victime et le déposa sur la surface de l’écran. Si les smartphones facilitaient la vie de ses utilisateurs, le déverrouillage par empreinte simplifiait l’accès aux données pour les enquêteurs. Du moins, au journal d’appels et aux SMS. D’autres applications pouvaient être protégées par un code.
Ellie laissa ses collègues gérer cette partie. Elle reviendrait vers eux plus tard, quand ils seraient parvenus à exploiter entièrement le téléphone de Timothy Perkins.
— Où se trouve le témoin ? demanda-t-elle au docteur Hines.
— Avec les secouristes dans les coulisses.
Il pointa l’estrade et Ellie le remercia d’un bref hochement du chef.
Ellie et Anton retournèrent à l’intérieur. Des colonnes de ballons bleu et argent encadraient le podium au lustre noir. Sur la banderole suspendue était inscrit le sigle « #GPA ».
Ellie le fixa avec insistance, tentant de le déchiffrer.
— Gay Porn Awards, l’aida Anton en montant sur la scène.
— Merci, je ne voyais pas trop. Ça va ?
— Pourquoi cette question ? s’étonna son partenaire.
— À ta manière, tu connaissais notre victime.
— Ça fait toujours bizarre d’apprendre la mort d’une personnalité.
— Combien de ses vidéos figurent dans tes favoris ? le charia Ellie.
— Un peu de sérieux, nous sommes en pleine enquête, la recadra Anton.
— Je disais ça…
— Oui, je sais : pour détendre l’atmosphère.
— Et toi, tu uses de pirouette pour éviter de me répondre.
— Je plaide coupable, et aussi parce qu’il y en a trop pour que je les compte.
Entre la galanterie d’Anton et son aura naturelle de leader, Ellie passa la première et poussa la porte entrebâillée des coulisses.
Le secouriste à l’uniforme marine leur tournait le dos. Il s’occupait de la victime installée sur une table. Les jambes d’un pantalon noir pendaient dans le vide, la pointe des chaussures vernies vers le bas indiquait le calme du patient. Sur un coin, une trousse médicale éventrée offrait un éventail de produits. Des bandes de gaze, des compresses, du désinfectant, et cetera.
Ellie se décala et jeta un œil aux soins prodigués. Le secouriste recousait scrupuleusement une plaie au bras gauche. Le geste s’exécutait avec élégance et adresse, aucune plainte n’émanait alors que le fil renouait les chairs. L’anesthésie locale injectée expliquait sans aucun doute ce silence, néanmoins la robustesse du membre laissait à penser que la victime ne s’avérait pas douillette.
Ellie reporta son attention sur le témoin de l’assassinat de Timothy Perkins aka Ryan Seed.
Le jeune homme d’une trentaine d’années observait le travail d’orfèvre du soigneur sans donner l’impression de souffrir ni de vouloir tourner de l’œil. Il paraissait robuste. Il arborait une barbe élégante, courte et fournie, dont la nuance rappelait celle de ses cheveux. Foncés par l’humidité du gel appliqué, elle n’aurait su définir s’il était brun ou châtain.
Comme s’il se sentait épié, il leva la tête dans sa direction.
Ellie croisa son regard abattu, ses yeux rougis d’avoir pleuré. Ce voile de tristesse sur son visage lui enserra la gorge. Elle n’osait imaginer ce qu’il traversait à cet instant précis.
— Inspecteur Burton, annonça-t-elle pour rompre le trouble en elle.
Elle n’avait pas enquêté sur une affaire de meurtre depuis si longtemps qu’elle en avait perdu ses réflexes. Revêtir son armure d’indifférence émotionnelle était essentiel. Elle ne devait pas se laisser envahir par la peine. Bien qu’il ne soit pas facile de rester de marbre face à la détresse des proches, cela s’avérait nécessaire.
Il lui fallait se montrer sommaire dans le réconfort qu’elle souhaitait leur apporter.
— Comment va-t-il ? demanda-t-elle au médecin.
— Il a eu beaucoup de chance. La balle a effleuré son bras. Une blessure superficielle, au vu des circonstances, exposa le secouriste, fignolant la suture.
Des circonstances qui ne laissaient aucune place à l’amateurisme. Le tir s’avérait si précis que le tireur ne pouvait être qu’extrêmement doué.
Le praticien se saisit d’une bande de gaze, l’imbiba d’un produit désinfectant et tamponna le lacet noir. Il nettoya délicatement la peau jusqu’au poignet, le revers de la main et les doigts. Le miraculé le regardait ; seul le battement de ses paupières aux longs cils trahissait son inertie.
— Vous pourrez passer à l’hôpital d’ici quelques semaines afin de faire retirer vos points, indiqua le médecin. Vous avez des antidouleurs à disposition ?
— Oui.
— Prenez-en si vous avez mal. Un toutes les quatre heures, à raison de trois par jour. Vous ne ressentirez plus rien d’ici quelque temps. Et n’oubliez pas de nettoyer matin et soir. Évitez de mouiller la plaie. Il faut qu’elle reste au sec.
Le secouriste retira ses gants bleus tachés de sang et les jeta dans une corbeille. Ellie se retint de reculer.
— Il est tout à vous, déclara l’urgentiste, remballant ses affaires.
Il quitta la pièce et ils se retrouvèrent seuls avec le témoin torse nu.
Son teint doré révélait les contours de ses pectoraux galbés et de ses abdominaux découpés. Si sa condition physique émoustilla son cœur de femme, le regard d’Ellie fut davantage attiré par le tatouage recouvrant son bras droit. Le dessin coloré, d’inspiration asiatique, commençait à l’épaule et se terminait à son poignet.
Bien qu’elle ne conçoive pas que l’on puisse marquer sa peau de manière indélébile, Ellie reconnut la beauté de l’œuvre. Au point d’être hypnotisée.
— Inspecteur Bowman, se présenta son coéquipier.
L’intervention d’Anton arracha Ellie à sa contemplation proche de la fascination. Une chance que la balle ait traversé l’autre bras. Une pensée incongrue. Cependant, tous ceux qui auraient posé leurs yeux sur ce tatouage n’auraient pu s’en empêcher, se rassura-t-elle.
— Scott Mills, répliqua la victime.
Il s’évertua à passer sa chemise, alors que l’inconfort de sa blessure immobilisait son membre.
— Attendez, je vais vous aider, proposa Anton.
Son coéquipier remonta la manche droite du vêtement blanc et le fabuleux dessin disparut sous le tissu froissé et taché de sang. Afin de ne pas le faire souffrir inutilement, Anton se contenta de poser l’autre pan de la pièce sur son épaule.
Scott ajusta sa cape d’infortune en tirant sur le col ; un geste machinal, d’après son air absent. La situation lui paraissait sans doute irréelle.
Bien qu’en état de choc, ils devaient malgré tout l’interroger.
— Je tiens à vous présenter mes condoléances. Je sais que c’est difficile, mais il va falloir nous aider. Pour ça, vous devez répondre à quelques questions. Il est important de retracer les événements, lui expliqua Ellie.
Scott hocha brièvement la tête.
— Vous connaissiez bien la victime ?
— Nous étions amis.
— Vous étiez sortis prendre l’air, c’est ça ?
Une demande de confirmation qui pouvait faire lever les yeux au ciel tant elle semblait évidente. Pourtant, il fallait resituer la chronologie.
— On profitait d’une pause au cours de la cérémonie pour se dégourdir. Rester sur une chaise, c’est ennuyant à force, même si l’on avait droit à un mini spectacle. Une chorégraphie endiablée d’un groupe de danseurs. On est donc sortis sur la terrasse pour discuter. On en avait fait, du chemin.
Ellie perçut un sourire sur ses lèvres, une expression de fierté.
— Tim était nominé dans la catégorie du meilleur « jeu d’acteur ». Il prenait ses rôles très au sérieux, il les étudiait, il voulait donner corps à ses personnages. Il aimait la comédie, se glisser dans la peau d’un autre. Il était conscient qu’il ne figurerait jamais dans un grand film hollywoodien. Mais Tim désirait offrir toute sa justesse à son public. Même si la plupart zappent directement à l’essentiel. Tim comptait bien repartir avec ce prix. « C’est pour moi, ce soir, c’est pour moi ! » Je le revois tout excité, à sautiller devant moi comme un enfant, ses mains sur mes épaules. Il avait visionné les scènes des autres et était convaincu que ce serait lui. Tim…, soupira-t-il en balançant la tête.
Scott donna l’impression de se perdre dans ses souvenirs.
— Ensuite, l’aiguilla Ellie.
— Ensuite…, répéta-t-il, le regard dans le vide. J’ai ressenti une douleur au bras, violente, rapide, surprenante. J’ai posé ma main par réflexe, puis j’ai vu le sang. Je n’ai pas très bien compris sur le coup, je n’avais pas entendu de déflagration. Je fixais ma paume recouverte de mon sang, et j’ai levé les yeux vers Tim. Il s’est effondré et j’ai compris ce qui était en train de se passer. On m’avait tiré dessus, on nous avait tiré dessus…
Scott s’arrêta comme si la scène revivait dans son esprit.
— Qu’avez-vous fait, après ? le réorienta Ellie.
— Je… je me suis précipité sur lui. Sa chemise était devenue rouge et j’ai vu ensuite le trou dans le tissu, au niveau du cœur. Tout s’est mis à tournoyer, j’ai crié son nom plusieurs fois, j’ai appelé à l’aide. J’ai retiré ma veste et compressé sa blessure. J’ai de nouveau appelé à l’aide. Je lui ai parlé pour qu’il reste avec moi. Pourquoi est-ce que je n’ai pas pris mon portable ? se reprocha-t-il.
— Vous n’avez pas à vous en vouloir, dit Ellie. Vous ne pouviez pas savoir ce qui allait se passer.
— Finalement, quelqu’un m’a entendu et a appelé les secours. Je suis resté avec lui, jusqu’à ce que l’ambulance arrive… Je ne l’ai pas laissé tout seul…
Si sa voix ne s’accompagnait pas de trémolos, une larme silencieuse le trahit. Elle perla au coin de l’œil et s’évanouit à la lisière de sa barbe. Scott passa ses doigts sur sa pommette, un geste de pudeur pour effacer cette trace de tristesse. Il renifla et s’éclaircit la gorge.
— Ils ont tout essayé, mais c’était trop tard, Tim était…
Anton posa une main sur son épaule.
— Selon eux, il n’aurait pas souffert, rapporta Scott en croisant le regard d’Ellie. Est-ce que c’est vrai ? Nous ne ressentons pas la douleur ? Tout finit comme ça ?
Ellie ignorait la réponse, cependant ces questions d’allures rhétoriques semblaient en attendre une. Elle n’était ni médecin ni légiste, elle s’avérait profane, comme lui.
— Je ne sais pas, mais ce sont eux les spécialistes.
Ils restèrent quelques secondes à se regarder, à partager cette méconnaissance du sujet. Une balle en plein cœur arrêtait-elle tout au moment où elle le pénétrait ? Ellie l’espérait pour la victime. Et aussi que son esprit avait été inondé par les plus beaux instants de sa vie. C’était ce que rapportaient les personnes qui avaient vécu une expérience de mort imminente.
— Avez-vous remarqué quelque chose ? reprit Anton, interrompant leur communion.
— Non, je n’ai rien vu. Tout était trouble.
Le choc, la surprise, les larmes. Un détail lui reviendrait peut-être plus tard, mais là, ils ne pouvaient plus en tirer grand-chose.
Scott devait se reposer, sauf qu’il restait d’autres questions.
— Vous étiez où exactement ? poursuivit Ellie.
Il lui fallait établir la provenance du coup de feu, même si les experts en balistique s’en chargeaient avec plus de précision. Elle devait néanmoins tenter de visualiser le scénario de cet assassinat, commencer à échafauder le point de départ de sa traque.
Scott parut réfléchir.
— Je m’étais éloigné pour admirer la vue. Et ça s’est produit quand je suis repassé devant Tim. Je lui ai filé une tape pour retourner à l’intérieur, et c’est là que j’ai été traversé par la douleur.
Cette balle ne lui était pas destinée. Elle l’avait touché par hasard. Scott n’était qu’un blessé collatéral, se déplaçant au mauvais moment.
Timothy Perkins demeurait bien la cible, l’unique objectif d’un tueur déterminé.
De toute évidence, le meurtrier suivait ses faits et gestes, connaissait son emploi du temps. Timothy Perkins devait partager sa vie sur les réseaux sociaux, des traceurs sans précédent. Son assassin avait fait le guet dans l’immeuble de parking. Un poste de surveillance accessible où il avait pu se dissimuler en plein milieu de la nuit. Un acte prémédité, planifié pour faire mouche sans avoir à s’y reprendre plusieurs fois. Ce seul essai traduisait une dextérité certaine : ils n’avaient pas affaire à un débutant.
L’individu derrière ce meurtre maîtrisait le tir à longue portée. L’impact d’une précision troublante limitait les suspects. À moins que l’homicide n’ait été commandité, auquel cas il leur faudrait trouver le donneur d’ordre.
Les suppositions d’Ellie s’emballaient dans son esprit et elle se recentra sur l’entourage de Timothy Perkins. Ils devraient avant tout s’intéresser à ses proches.
— Est-ce que vous lui connaissez des ennemis ? S’est-il pris récemment la tête avec quelqu’un ? Une brouille avec sa famille, la personne qui partage sa vie ? tenta de savoir Ellie.
— Tim est… était, se corrigea Scott, le mec le plus adorable que j’aie pu rencontrer de toute mon existence. Il ne se disputait jamais, il faisait toujours en sorte que tout se passe bien avec tout le monde. Il disait souvent que la vie était trop courte pour se quereller. Certaines personnes aiment se tacler sur le Net, véritable rancœur ou simple buzz. Tim détestait ces comportements. Il ne se donnait pas la peine de répondre à ses haters. Il restait loin des polémiques. Il voulait vivre tranquille.
— Et sa famille ?
— Ils ne se parlaient plus. Enfin, pas vraiment. Il n’est plus rentré au Kansas depuis qu’on l’a invité à partir de chez lui à dix-sept ans.
— Il a été mis à la porte ? s’enquit Ellie.
— Son père n’acceptait pas son homosexualité. Quand il l’a appris, il l’a jeté comme un malpropre, un vulgaire étranger. Ils l’ont renié. Du moins, son paternel. Car Tim a pu garder contact avec sa mère grâce à la complicité de ses amis. Il l’appelait régulièrement, encore la semaine dernière il me disait avoir eu de ses nouvelles. Elle n’avait rien à voir avec ce sale type, l’archétype de l’homophobe. On entend souvent ce genre d’histoire, des clichés pour certains, une réalité pour ceux qui la subissent.
— Son père connaissait-il ses activités ici ?
— Il a fini par l’apprendre, il y a toujours quelqu’un de bien intentionné quelque part, ironisa Scott.
— Tim, débuta Ellie avant de se reprendre. Timothy vous a dit comment son paternel a réagi ?
— Vous pensez bien qu’il n’a pas apprécié.
— J’imagine. Votre ami se sentait-il menacé par sa famille ?
— Non. Si vous croyez qu’il serait l’auteur de… son meurtre, je vous arrête tout de suite. Son père est mort il y a trois ans. Il ne lui reste… restait que sa mère.
Ellie pouvait écarter la thèse d’un infanticide sur fond de crime haineux.
Trois ans, se répéta-t-elle. Cette durée faisait écho à sa vie.
Un suspect à rayer de sa liste, se reprit-elle en revenant à l’enquête.
— Il était fils unique ?
— Oui.
— Vous connaîtriez le numéro de sa mère afin qu’on l’informe ? En attendant que notre équipe ait terminé avec son téléphone.
— Bien entendu. Il me l’avait donné au cas où… Je ne pensais jamais avoir à m’en servir. Il aurait été plus logique qu’elle…
— Dans l’ordre naturel des choses, c’est certain, compatit Ellie.
— Je devrais peut-être la prévenir moi-même. Il m’avait chargé de le faire, si un jour quelque chose survenait.
— Il s’attendait à disparaître dans ces circonstances ? s’enquit Ellie.
— Non. Mais Tim pensait qu’en cas d’accident ou autre… que l’annonce de sa mort par un proche était préférable que par un étranger. Il aimait parler de connexion.
Scott tâta les poches de son pantalon noir. Les traits de son visage se froncèrent.
— Ah oui… mon portable est resté sur la table.
Il descendit du meuble où il était perché. Il devait atteindre le mètre quatre-vingt-cinq. Scott Mills possédait un physique impressionnant.
Il s’excusa et passa devant eux, Ellie et Anton lui emboîtèrent le pas.
Quand Scott entra dans la grande salle, le silence se fit. Les quelques rares invités toujours en plein interrogatoire se turent en le voyant. Ils n’ignoraient certainement pas la relation liant les deux hommes, encore moins que Scott avait été témoin de la scène.
Ellie pouvait lire dans leurs yeux la compassion mêlée à la curiosité suscitée par son accoutrement. Sa manche ensanglantée. Le trou causé par la balle.
Scott se dirigea vers la table sans prêter attention au monde éparpillé. Il prit son téléphone et osa un regard en direction de la terrasse.
Le corps se trouvait à présent dans une bâche mortuaire, sur le point d’être emmené.
Scott se figea. Ellie et Anton restèrent en retrait.
— Quelqu’un devrait le raccompagner, jugea son coéquipier.
Ellie observa, silencieuse, ce titan prêt à s’effondrer à tout instant. Elle ressentit un pincement au cœur.
— Je n’imaginais pas ma rencontre avec Ace Levine comme ça.
— Ace, qui ? demanda Ellie, s’arrachant à la vision d’un Scott attristé.
Anton désigna Scott du menton.
— Ace Levine.
— Son pseudonyme, mémorisa Ellie en le fixant de nouveau.
Ace Levine.
Un nom peu ordinaire et tout à fait approprié, songea-t-elle l’air de rien.
Ce nom de scène lui allait à la perfection et apportait ce caractère exceptionnel à la hauteur de son incroyable beauté. Une parfaite adéquation. Le moment était sans doute mal choisi pour une telle pensée, or Ellie ne put la réprimer.
Être en fonction ne rimait pas toujours avec absence d’émotions.
— Monsieur Mills, comment êtes-vous venu ? l’interrogea Anton.
Scott se détacha de la baie avec vue sur la mort.
— Un service de limousine, répondit-il.
— Ma collègue va vous raccompagner.
Scott regarda Ellie, qui se tourna vers son partenaire.
— Depuis quand une enquêtrice se charge du ramassage ? s’étonna-t-elle dans un aparté.
— Depuis qu’elle dévore le témoin des yeux, l’imita-t-il à voix basse.
— Tout comme toi, on ne me les a pas retirés, répliqua-t-elle. Et puis, il n’y a aucun mal, il est gay.
Anton sourit.
— Tu as déjà entendu parler du gay for pay ?
Ellie
Au volant, les yeux sur la route, Ellie méditait les explications sommaires d’Anton alors qu’elle ramenait Scott. Il régnait un silence incommodant dans l’habitacle. Cependant, il ne la poussait pas non plus à entamer la conversation.
Scott traversait une épreuve douloureuse et il n’était certainement pas d’humeur à bavarder. Pourtant, à le voir ainsi prostré, Ellie aurait aimé atténuer sa peine.
Des platitudes prononcées depuis la nuit des temps sillonnèrent son esprit. Des mots empruntés, galvaudés. Au final tellement désuet dans des moments pareils qu’il était préférable de se taire. Bien que sincères, ces formules perdaient toute substance face au chagrin. Elles ne représentaient que des marques de soutien lancées avec civilité, et vite oubliées.
Ellie lui jetait néanmoins des regards, pour évaluer son état.
Scott fixait le pare-brise sans donner l’impression de s’intéresser au paysage. De toute manière, il devait connaître ces rues par cœur. Les mains sur ses cuisses, il entrelaçait nerveusement ses doigts. Seul indice de sa débâcle intérieure.
Ellie loucha sur le GPS : elle devrait prendre à gauche au croisement. La voix de synthèse la tirait à l’occasion de ses réflexions, mais celles-ci ne la lâchaient pas.
Ellie n’en revenait toujours pas que l’interprète d’Ace Levine soit hétérosexuel.
Était-ce cela qu’on appelait une performance d’acteur ? Ce que soulignaient les journalistes en parlant de ses homologues de films tout public. La prouesse de camper un personnage à mille lieues de sa réalité.
Scott Mills se fondait corps et âme dans le rôle, oubliant sa véritable identité, notamment sa sexualité. Comment s’y prenait-il pour parvenir à le jouer avec force et conviction ? La comédie s’accompagnait de pénétration. Comment dépassait-il le fait que son partenaire n’appartienne pas au genre vers lequel il se trouvait attiré naturellement ? Usait-il d’artifice médicamenteux ?
Anton devait bien se marrer !
Il devait l’imaginer en train de cogiter. Ellie reconnaissait son côté taquin à travers cette bombe. En bon enquêteur, il avait su déceler le petit intérêt qu’avait allumé en elle le physique de Scott.
Pour sa défense, personne n’aurait pu rester insensible.
Si cet élément annihilait la stérilité de ses regards, il s’avérait cependant impossible pour elle de se projeter avec un type comme lui.
Aussi beau qu’il puisse être.
Cette simple idée réveilla l’angoisse sourde, tapie en son sein, qui ne demandait qu’à émerger.
Ellie jeta un coup d’œil à la manche imbibée de sang et ses doigts se crispèrent autour du volant. Une boule se logea dans sa gorge, confortablement, comme si elle se hâtait de reprendre sa place. Des pensées chaotiques s’alignaient dans son esprit.
Elle respira pour les chasser, faire le vide et aussi se gendarmer. Se raisonner et se dérober à l’inquiétude aux allures insaisissables.
Le tissu séché ne l’effleurait pas, le sang avait coagulé, il n’existait aucun risque possible. De plus, sa veste en cuir la protégeait à l’instar d’une amure. Elle n’avait rien à craindre. D’autant qu’en dessous, sa peau ne souffrait d’aucune entaille, d’aucune blessure, soit aucune porte d’accès.
Et puis Scott n’avait peut-être rien.
Sauf qu’il était sexuellement actif.
Mais il doit prendre ses précautions.
OK, sauf qu’un préservatif peut se rompre.
Ellie souffla pour évacuer les voix dans sa tête, cette lutte entre ses arguments sensés et ses interférences irrationnelles. Une discussion qu’il lui fallait éviter, elle le savait. Elle ne devait pas alimenter la bête obscure.
— Tout va bien ? s’enquit Scott.
— Oui. D’ailleurs, nous sommes arrivés, constata Ellie en s’arrêtant devant une grille.
Scott habitait une résidence privée, un immeuble de cinq étages aux façades à balcon. Des palmiers ornaient la cour et l’éclairage soulignait le standing des lieux.
Il actionna un bip et le portail coulissa.
Une fois garés, ils prirent la direction du hall principal. Avant de s’engouffrer à l’intérieur, Ellie remarqua une piscine entourée d’une clôture blanche, des massifs floraux courant sur les balustrades.
Le cachet du bâtiment se poursuivait dans les parties communes. Les couloirs se paraient d’un long tapis central, les appliques design s’illuminaient toutes, sans exception. L’ascenseur qui les emmenait au dernier n’avait rien à voir avec son vieux monte-charge.
Scott devait bien gagner sa vie pour vivre dans un endroit pareil.
Les portes coulissèrent sur un dégagement tout aussi empreint de style et elle suivit Scott vers l’appartement du fond.
Il sortit une carte, l’inséra dans la serrure magnétique, la main sur la poignée.
— Attendez, lui somma Ellie.
Elle faisait peut-être preuve d’un excès de prudence, néanmoins elle ne devait pas écarter l’éventualité que Scott soit également menacé. Une attitude en partie motivée par l’insistance d’Anton. Et en quelque sorte, il lui fallait aussi justifier sa présence.
Elle détacha son arme de service de son holster et retira le cran de sécurité.
— Restez là, recommanda-t-elle avant d’entrer.
Ellie alluma et passa en revue la pièce principale. Un confortable ensemble de canapés crème faisait face à un immense écran plat accroché au-dessus d’un buffet suspendu. La baie vitrée, donnant sur le balcon meublé d’une table et de chaises, était verrouillée.
Elle se dirigea vers la cuisine ouverte aux éléments rouges et vérifia derrière le bar.
Elle poussa son investigation dans la chambre à la décoration minimaliste et au lit king size. L’atmosphère de la pièce s’articulait autour de tons bruns et ardoise. Une impression de force masculine adoucie par le carrelage blanc. La salle de bains attenante au dressing respectait les nouvelles sollicitations environnementales avec sa douche à l’italienne et sa pomme de tête en chrome XXL.
Il n’y avait rien à signaler à part l’extrême propreté des lieux ; l’espace était soigneusement rangé.
Scott Mills était-il atteint de maniaquerie ?
Ellie rengaina son arme. Ce tour du propriétaire répondait à sa question : Scott bénéficiait d’une aisance financière attestée par ce cadre de vie exceptionnel.
Ellie ne s’était jamais demandé combien touchait un acteur ou une actrice dans son secteur d’activité. Toutefois cet appartement lui en donnait une petite idée.
Elle alla chercher Scott.
— Vous pouvez entrer.
— Vous pensez qu’on en a après moi ? s’inquiéta-t-il.
— Simple précaution, le rassura-t-elle. À présent, je vais vous laisser.
— Inspecteur, l’arrêta Scott. Pouvez-vous rester ? Le temps d’appeler la mère de Tim.
Ellie pouvait lire la détresse dans son regard noisette.
Scott n’était pas comme elle, coutumier de ce genre de coup de fil. Mais même l’habitude ne chassait pas l’émotion. Elle demeurait palpable, toutefois elle s’effaçait plus rapidement à force « d’entraînement ».
— Bien entendu, accepta Ellie en refermant la porte.
Scott redevint muet et se dirigea vers le comptoir. Il se baissa, puis déposa une bouteille d’alcool sur la paillasse et prit deux verres rangés sur l’égouttoir en bois.
— Ah, vous êtes en fonction. J’imagine que vous ne m’accompagnerez pas.
Ellie déclina poliment son offre en balançant la tête.
Il ôta le bouchon et se servit une rasade. Son whisky à la main, il le fixa un long moment. Ses yeux brillaient.
Finalement, il porta le poison à ses lèvres et l’avala d’une traite.
— À la tienne, murmura-t-il.
Scott déposa le verre dans l’évier, fit couler l’eau et resta planté là. Son dos se voûta et s’agita de secousses avant qu’il ne s’appuie au rebord en inox.
Ellie s’arrêta de bouger, de respirer, d’exister.
Ses pleurs silencieux, son désarroi tout en retenue se propagea jusqu’à elle. Sa gorge se noua et elle aurait aimé faire quelque chose. Sauf qu’il avait décidé de se cacher, de se retourner volontairement pour se laisser aller.
Ellie le laissa en tête-à-tête avec son chagrin, respectant ainsi son choix. Par la baie vitrée, elle observa la nuit noire posséder la ville.
L’écoulement de l’eau s’arrêta et elle entendit Scott renifler, s’éclaircir la voix.
— C’était sa bouteille. Il adorait ça.
Ellie revint à Scott. Il gardait son regard braqué sur le whisky à la robe ambrée. Elle l’imita.
— Chaque fois qu’il venait ici, il trinquait son verre contre ma bière. Il ne prenait que deux doigts, sans glaçon pour apprécier le nectar. Il a essayé de m’initier, mais j’ai toujours trouvé cet alcool infect. Sans doute trop fort en goût. Elle n’est même pas à la moitié. Je l’ai achetée spécialement chez le caviste du centre.
Scott soupira et osa la regarder.
— Il doit être un peu plus d’une heure et demie du matin au Kansas.
Il inspira et sortit son téléphone de sa poche. Son pouce glissa sur l’écran et Ellie se rapprocha.
Elle aurait voulu le décharger de ce fardeau et passer ce coup de fil à sa place. Cependant, il lui avait fait comprendre que c’était son devoir.
Scott se racla la gorge comme pour se débarrasser d’un reste d’émotion et lança l’appel. Le nom de Dottie Perkins apparut à l’écran.
La difficulté de l’exercice contamina Ellie. Elle paraissait entrer en empathie avec lui, ressentir les battements frénétiques de son cœur affolé à l’idée d’annoncer cette atroce nouvelle à une mère. L’image de la sienne émergea. Une fille dans la police pouvait causer une insomnie. Cependant ce n’était pas la première fois que sa mère vivait cette situation.
Ellie s’était engagée pour suivre les traces de son grand-père. Sa mère avait grandi dans cette ambiance particulière et, par la force des choses, s’était habituée. De ce qu’Ellie savait, elle ne s’inquiétait pas. Du moins, elle ne le montrait pas. Au début de sa carrière, Ellie avait pensé la rassurer en lui envoyant des textos chaque soir. Mais comment sa mère aurait-elle pu interpréter cette absence de lien en cas d’oubli ? Elle se contentait alors de l’appeler de temps en temps sans aucune fréquence établie. Il valait mieux.
Les secondes s’éternisèrent.
— Bonsoir, Dottie, articula-t-il quand on décrocha. C’est Scott.
Ellie retint son souffle.
— Désolé de vous déranger si tard… Oui, il est arrivé malheur à Tim… Il nous a quittés…
Un cri déchirant parvint du combiné. Scott se tut au son des sanglots.
— Le médecin dit qu’il n’a pas souffert, reprit-il au bout d’un moment. Je vous réserve une place à bord du premier avion. On vous expliquera tout quand vous serez là. Je vous rappelle pour vous communiquer les horaires et le numéro de vol. Toutes mes condoléances, Dottie. Au revoir.
Scott raccrocha et déposa le portable sur la paillasse. La paume collée à l’objet, son pouce caressa machinalement l’arête de la coque. Dans un élan de soutien, Ellie recouvrit sa main de la sienne.
— Vous avez été parfait, reconnut-elle avant de l’enlever.
Ellie scruta discrètement ses doigts, la peau de Scott nette de toute trace de sang. Or elle ne put s’empêcher de vérifier une nouvelle fois et des palpitations commencèrent à troubler son rythme cardiaque.
Elle se gronda intérieurement. Il n’y avait rien, absolument rien.
— Je me sens vidé.
— Rien de plus normal, répondit-elle, arrachée à ses pensées épuisantes.
— J’ai… la tête qui tourne.
— Venez, allons nous asseoir.
Elle le prit par le coude et le poignet, le guida jusqu’au canapé.
— Est-ce que vous pourriez vous charger des réservations ?
— Oui, bien entendu.
Elle était ravie de pouvoir l’aider. Une occasion de se rattraper.
— Mon ordi est sur la table basse. Ma compagnie aérienne est dans mes favoris. Vous trouverez son adresse dans mes contacts, le répertoire sur le bureau.
Scott s’enfonça dans les coussins alors qu’Ellie posait le portable à la petite pomme sur ses genoux. Elle s’affaira à remplir les différents champs du bordereau virtuel. La carte de crédit préenregistrée, elle termina l’achat par un clic.
— Le vol est réservé, annonça Ellie à la fin de la transaction.
— Merci, inspectrice.
— C’est le moins que je puisse faire. À présent…
— Ça aurait dû être une belle journée, soupira Scott, pensif.
Ellie, qui s’apprêtait à se lever pour partir, s’arrêta pour l’écouter. Avec empathie et distance, comme l’exigeait son métier. Les proches aimaient parler de leurs disparus. Une façon pour eux de les garder en vie encore quelques instants. Et également un moyen – inconscient ou non – de pousser les enquêteurs à faire de leur mieux.
Scott lui raconta leur programme. Ils avaient prévu de se retrouver chez Timothy pour déjeuner en début d’après-midi. La matinée avait été consacrée à évacuer la pression chacun de son côté. Son ami avait choisi d’aller se défouler à la salle de sport ; il voulait être à son avantage dans sa tenue de gala. Il lui avait fait part de sa séance, un entraînement complet. Tim lui avait même passé un appel vidéo après ses séries de squat. Il s’était filmé dans le miroir, son short en polyester moulant son fessier bombé. « Mon petit cul va déchirer mon smoking », avait-il dit avant de raccrocher.
Après sa remarque amusante, il s’était rallongé confortablement sur sa serviette. La plage représentait son antistress. Il aimait sentir le sable sous ses pieds et fuyait les transats. Il adorait la chaleur du soleil sur sa peau. Le bruit des vagues mourant sur la grève. Le parfum de l’embrun mélangé à celui de sa crème anti-UV.
— Vivre ici, c’est des vacances éternelles, souligna Scott avant de poursuivre son récit.
Peu après treize heures, il avait rejoint Tim à son appartement ; son ami avait récupéré des plats à emporter. Ils avaient déjeuné, discutant du tout-venant, et s’étaient affalés dans le canapé les manettes dans les mains. Ils avaient joué à la console durant plusieurs heures d’affilée et pris un apéro avant de se préparer. Scott avait apporté ses vêtements pour l’événement. Il avait eu le sentiment de se rendre au bal de fin d’année.
Une fois sur leur trente et un, Tim avait insisté pour immortaliser l’instant en photo. Un cliché de leur reflet élégant dans le miroir de l’entrée.
— Je n’arrive pas à croire que c’était ma dernière journée avec lui, souffla Scott, ravalant ses larmes.
Ellie se sentit bête.
Jamais elle ne s’était représenté les acteurs pornos avec une vie. Ils se résumaient à des corps enchevêtrés l’un dans l’autre. D’une certaine manière, ils n’existaient que dans les écrans. Ils se réduisaient aux gros plans de leurs attributs.
Elle ne s’était jamais souciée de l’être doué d’émotions derrière la performance. Une vision mise à mal par Scott, qui pleurait avec pudeur à quelques centimètres d’elle.
— Reposez-vous maintenant, lui conseilla-t-elle pour s’échapper. Je vous laisse ma carte, n’hésitez pas si un détail vous revient.
Ellie se leva et Scott s’apprêta à la raccompagner.
— Je connais la sortie. Appelez sa mère et tâchez de reprendre des forces.
Scott
Après le départ de l’inspectrice, Scott ne bougea pas du canapé. Il n’en avait ni l’intention ni la force. Il n’avait plus rien. C’était tout juste s’il se sentait conscient. Il se savait là, toutefois une part de lui se voulait absente. Il semblait flotter. C’est à peine s’il devinait son poids enfoncé dans les coussins.
Dans sa tête régnait un calme inhabituel. Son esprit privé de pensées, ou si faibles qu’il ne les entendait pas. À l’instar de son corps inanimé, ses neurones paraissaient eux aussi figés, anesthésiés.
Scott ne percevait rien d’autre qu’un grand vide. Ce n’était pas vraiment le néant, car il décelait une présence à l’intérieur de cet espace empli de silence. Une impression insaisissable en rapport avec Tim.
Il ne voyait pas son visage, n’entendait pas sa voix. Rien ne le nommait, toutefois, c’était son sentiment qui planait là où son cerveau avait cessé de fonctionner. La vie s’était arrêtée au moment où il avait compris ce qui s’était passé. Quand Tim s’était écroulé.
Cette image persistait depuis, chassant le présent, elle-même évincée par ce sang qui affluait sous sa chemise blanche. La bobine de ce cauchemar défilait sans qu’il puisse l’interrompre.
Tim s’effondrait encore et encore, et Scott se revoyait courir vers lui. Le rouge de la mort teintait de sa rapide progression le tissu clair. Et il restait là, impuissant. Les mains posées sur la blessure. Ses doigts joints en un barrage incapable de retenir à l’intérieur de sa poitrine le liquide chaud et précieux. Une dérangeante odeur de fer empestait ses narines.
Il avait fait pression jusqu’à l’arrivée des secours. Une équipe médicale avait pris le relais tandis que quelqu’un l’avait tiré en arrière.
On s’adressait à lui, sauf qu’il n’entendait pas clairement les voix étouffées, déformées à ses tympans. On touchait son bras, mais lui restait fixé aux uniformes bleu marine penchés sur Tim. Ils s’activaient, parlaient entre eux sans qu’il comprenne les mots, même les plus simples.
Cette scène irréelle tournait en boucle devant ses yeux, se superposait à la table basse où l’inspectrice avait déposé son ordinateur portable. Quelque chose au fond de lui ne voulait pas croire que c’était vrai.
Ce n’était pas possible.
Cependant, l’intervention de la police et les mines éplorées lui avaient certifié que le pire s’était produit. Et il ne l’avait pas vu venir.
Comment aurait-il pu s’y préparer ? On s’imaginait rarement la mort de ses proches. La sienne, oui, mais celle de sa famille, de ses amis, jamais. Et si le cas se présentait, celle-ci serait lointaine et paisible. Dans l’idéal, à un âge avancé et durant un sommeil pétri de beaux rêves.
Tim n’avait pas eu cette chance.
Scott ressentit la douleur de son bras. Il retira le pan de sa chemise et observa le pansement. Une preuve supplémentaire de la tragédie. Tout avait été si soudain.
Il se revit devant Tim et la sensation de brûlure reparut sous le bandage. Quelques centimètres et ça aurait été lui.
Pourquoi avait-il réchappé à ça ? Pourquoi n’avait-il pas fait un pas de plus sur le côté ? Pourquoi n’était-il pas passé devant lui ? Pourquoi n’avait-il pas proposé quelques instants plus tôt de retourner à l’intérieur ?
Scott commença à avoir mal ; en dessous de la gaze, sa peau tirait, le produit anesthésiant s’estompait. Bientôt, il ne ferait plus effet et il devrait avaler des antalgiques. Ils étaient rangés dans l’armoire à pharmacie au-dessus du lavabo.
Il devrait sans doute prendre une douche.
Cette première réflexion lui donna l’impression de réintégrer son corps. Il profita de cette reconnexion pour tester sa mobilité et il se hissa sur ses jambes. Une lourdeur impensable accompagna chacun de ses pas alors qu’il se traînait en direction de la salle de bains.
Scott se planta devant le grand miroir et s’arrêta sur son reflet. Son attention focalisée sur sa tenue. Débraillée, elle n’avait plus rien à voir avec la photo qu’ils avaient prise avant de quitter l’appartement de Tim. Sa chemise tachée de sang lui prêtait des airs de héros. Un protagoniste de films d’action au sortir d’un échange musclé. Scott croisa son regard vide, ses traits abattus, et il détourna aussitôt les yeux.
Il se déshabilla et entra dans la douche à l’italienne. Il tourna vers lui le bouton de la douchette, se positionna de sorte que l’eau ne s’écoule pas sur son bras blessé. Le pommeau ajusté, il plaça son visage sous le jet dans l’espoir de se réveiller de ce cauchemar.
Scott sentit les larmes affluer. Il ne put les retenir. Ses épaules s’agitèrent de soubresauts et il pleura, le cœur chaviré, la nausée au bord des lèvres. Gagné par une irrépressible envie de vomir, il se pencha sur le côté et toussa bruyamment, sauf que rien ne sortit à part un filet de salive. Il reprit sa respiration et se redressa sous le jet. L’eau lavait son chagrin exprimé à travers des cris étranglés.
D’un geste de pudeur inattendu, il se couvrit les yeux comme s’il ne voulait pas qu’on le voie. La douleur de son bras se raviva tandis que l’autre valide s’appuyait au carrelage, le poing fermé par la souffrance. Elle le dévorait de l’intérieur.
Scott tapa une première fois contre la paroi anthracite, un coup sans véritable force. Un acte presque involontaire, son corps animé par la rage qui l’étreignait. Il frappa de nouveau, cette fois-ci avec une nervosité palpable et consciente. Ce défoulement se répéta, gagna en intensité.
Toutefois, Scott heurtait le carreau du flanc de son poing, préservant ainsi ses phalanges et les autres os de sa main. Il hurlait, dents serrées, jurait et lançait tant de questions qui restèrent sans réponse.
Son plus profond regret : ne pas avoir eu le temps de lui dire au revoir.
À bout de force ou de lassitude, le trop-plein de frustration évacué, il ferma l’eau. Scott attrapa sa serviette blanche suspendue à la barre et se sécha avec soin avant de la balancer. Nu, il se dirigea vers sa chambre.
Scott s’allongea sur le lit au carré et fixa le plafond parcouru de spots lumineux. Il était épuisé et devait dormir avant de se rendre à l’aéroport dans quelques heures. Il lorgna sa tablette fichée dans son chargeur posé sur sa table de chevet. Il ne croyait pas pouvoir fermer l’œil d’ici là.
Cependant, il programma une alarme au cas où il sombrerait sans s’en rendre compte.
L’appareil dans les mains, il s’aventura dans la bibliothèque des photographies. Il l’ouvrit et tomba rapidement sur un cliché pris en compagnie de Tim. Une journée à la plage comme il n’y en aurait plus jamais.