Pour mon fils Hayden, qui attend cette histoire avec impatience.
Prologue
Une nouvelle promotion commence à l’université SupraSouth et la doyenne McDonnald observe les préparatifs d’un air satisfait. Cette année sera parfaite, elle en a la conviction. En tout cas, elle fera tout pour ça. Cette année, pas de guerre de blagues, pas de bagarres qui défigurent les bâtiments centenaires, pas d’appels de parents outrés après avoir vu des vidéos postées sur le Net par des étudiants qui ont oublié de réfléchir. Avec un petit effort et en plissant les yeux, on pourrait apercevoir un petit, très petit sourire sur les lèvres de la chimère.
Pour cette cuvée, elle ne permettra pas que qui que ce soit vienne troubler ces lieux qu’elle considère comme sa maison. Et surtout, la réputation de cette noble institution qu’est l’université SupraSouth doit rester intacte. C’est pour cette raison qu’elle a recruté un surveillant dont le seul travail sera de garder un œil sur la meute Hollyster et le nid Latimer. C’est peut-être allé un peu loin, surtout maintenant que Mike et Cody sont dans une relation qui semble sérieuse, mais elle ne veut prendre aucun risque.
Elle frissonne en se rappelant tout ce que ces deux groupes ont fait l’année précédente. Si ses souvenirs sont bons, ça a commencé le jour même de la rentrée quand Noclas et Carlos – les deux Bêtas de tête de la meute Hollyster – ont décidé que transformer les vampires du nid Latimer en boule disco à grand renfort de colle et de paillettes était une bonne idée. Ils avaient tort.
Elle se souvient également des voitures des vampires transformées en aquarium. Elle doit bien avouer que cette action l’avait impressionnée. Les loups-garous avaient fait preuve d’inventivité et d’ingéniosité pour parvenir à rendre les voitures complètement étanches avant d’y déverser des litres d’eau et d’y ajouter des poissons. Cela avait également donné lieu à la première vidéo envoyée à tous les parents abonnés à la newsletter de l’université, ainsi qu’à tout le personnel et, bien évidemment, à tous les étudiants. En conséquence, l’université avait renforcé les mesures de sécurité du serveur. Les Bêtas avaient réussi à s’infiltrer dans le système beaucoup trop facilement.
La réponse des vampires avait été, de son point de vue, épique. Elle-même avait souri en regardant la vidéo. Qui encore une fois avait été envoyée à tous les parents, personnels de l’université et aux étudiants. Autant pour les nouvelles mesures de sécurité. Néanmoins, elle n’avait pas pu se mettre en colère. Il faut dire que le spectacle d’une meute glissant sur du beurre à chaque pas que les loups-garous faisaient avait été hilarant. Elle n’en avait rien montré, évidemment, mais quand même, ça avait été drôle.
Étaient ensuite arrivés les pixies. La doyenne n’avait pas eu besoin de se demander quelle avait été la réponse des loups-garous ; à ce moment-là, toute l’université faisait des gorges chaudes de cette guéguerre assez bon enfant, il faut bien l’avouer. Et puis, pendant que tout le monde se gaussait là-dessus, personne ne faisait de vraies bêtises. Les pixies avaient donc été une véritable mine d’amusement et de rire. La blague suivante des vampires, en réponse aux pixies, avait été… décevante. Des puces, franchement. La doyenne s’était attendue à mieux de la part des vampires. Vraiment, Cody Latimer – le Maître du nid du même nom – l’avait énormément déçue sur ce coup-là. Et elle n’avait pas été la seule à ressentir ça. Toute l’université ne parlait que de la baisse de niveau des blagues.
Néanmoins, la réponse des loups-garous avait été homérique et complètement disproportionnée. Les loups-garous avaient résilié l’apport en sang des vampires. À cause de ça, Mike et Cody s’étaient battus et les pauvres murs des bâtiments de l’université en avaient souffert.
Elle ne sait pas trop ce qui était arrivé ensuite, mais quelques semaines plus tard, Mike et Cody se baladaient main dans la main sur le campus. Un développement que n’importe qui avec deux neurones en état de fonctionnement aurait vu venir à trois kilomètres, mais allez savoir pourquoi, la plupart des étudiants en avaient été surpris.
Ça avait quand même ramené le calme et la sérénité dans la faculté. Ce qui avait été un véritable soulagement. Jusqu’à ce qu’elle découvre que Noclas et Carlos avaient été transformés en écureuils. Et impossible de découvrir comment c’était arrivé. Un vrai casse-tête. Heureusement, ce n’est plus à elle de s’en préoccuper. Le nouvel assistant a des ordres stricts. Elle ne veut pas entendre parler de la meute Hollyster ou du nid Latimer, sauf en cas de force majeure.
Cette année sera calme.
Pensée loin d’être prophétique…
Chapitre 1
Kaspian, membre du nid de vampires Latimer, est bougon. Il n’aime pas ça. En temps normal, il est du genre insouciant et plutôt je-m’en-foutiste. Sauf que depuis que Scott l’a jeté, il n’arrive pas à penser à autre chose. Il vous voit venir avec vos gros sabots. Ôtez-vous tout de suite l’idée que s’il est aussi obsédé par le jeune loup, c’est parce qu’il est amoureux. Il ne l’est pas. Amoureux. Beurk, rien que le mot lui donne envie de vomir.
Il a plus de mille ans, il a passé l’âge de ces conneries. En plus, l’amour n’existe pas. C’est juste une réaction chimique qui se passe dans le cerveau, ce qui libère de l’endorphine, et les gens confondent cet état avec de l’amour. Pff, n’importe quoi. Non, la réalité est tout autre. C’est une histoire d’ego. Il ne s’est jamais fait jeter avant. Il a toujours été celui qui rompt. Même quand il était humain.
Il y a deux façons de devenir vampire. Vous naissez ainsi, ou bien, après un long rituel, un maître vous mord, vous tue et hop, vous voilà devenu un suceur de sang. Rien de sexy ou de glamour là-dedans, les deux font un mal de chien et laissent les participants traumatisés. Sauf pour le bébé vamp, évidemment.
Bref, tout ça pour dire qu’à part pour son ego malmené, Kaspian ne ressent absolument rien pour le jeune chiot. Même si avec ses grands yeux chocolat fondu, ses petits airs fragiles et sa mâchoire de travers, le gamin est plus qu’appétissant, il ne s’agit que de sexe et rien d’autre. Et c’est bien là que le bât blesse. Personne, et on dit bien personne, n’a jamais dit non à une bonne partie de jambes en l’air avec Kaspian. Or, Scott l’a fait. Pire, il a certifié que ça n’arriverait jamais plus et, après presque quatre mois de rebuffades, Kaspian doit bien reconnaître que le gamin s’y tient.
C’est frustrant. Et agaçant. Et Kaspian décide de remédier à cet état de fait. Il pourrait aller se trouver un nouveau défouloir. Un bon petit coup dans lequel se vider, sans se poser de questions et sans qu’on le regarde de travers après. Un coup qui connaîtrait les règles et ne lui donnerait pas l’impression d’être une grosse merde.
Scott a donc réussi deux exploits en fin de compte. Il a rompu avec Kaspian – même si pour rompre, il faut être dans une relation, ce dans quoi ils n’étaient pas – et en plus, il a perturbé l’insouciance du vampire. Inacceptable.
Kaspian a donc décidé de lui donner une leçon. Il va apprendre à Scott à rester à sa place. En le faisant tomber dans ses bras. Et après une bonne partie de jambes en l’air où Kaspian a bien l’intention de lui faire voir des étoiles pendant des heures, il le balancera, comme on jette un mouchoir usagé dans la poubelle la plus proche. Superbe plan.
Après quelques recherches sur le Net, il trouve tout ce dont il a besoin pour mener sa vengeance à bien et met le plan en action. Il est très content de lui-même. Vraiment très content.
***
Scott Hollyster soupire alors qu’il sort de sa chambre, dans la maison de la meute. La Tanière, c’est le nom de la maison et, parfois, elle porte bien ce nom. Parfois, la meute se comporte vraiment comme des animaux. Et parfois, Scott a l’impression d’être dans une maison de fous et il ne rêve que de s’enfuir en hurlant. Il ne le fera pas, évidemment. S’il ne l’a pas fait quand il était maltraité, ce n’est pas maintenant qu’il se débinera.
Que les choses soient claires : quand il parle de maltraitance, il ne parle pas d’être battu ou quoi que ce soit de ce genre. Simplement, les membres de sa meute avaient une image erronée à cause de son statut, mais heureusement, il y a eu du changement. Deux, pour être précis. D’abord, il a prouvé qu’il n’était pas une petite chose fragile en massacrant les deux Bêtas de tête. Il doit bien avouer qu’il a pris son pied ce jour-là. Sérieusement, qu’est-ce qu’ils croyaient en l’emmenant dans un club BDSM ? Que ça se passerait bien ? Pff, erreur monumentale. Le second changement, c’est que Mike, leur Alpha, s’est enfin rendu compte de ce qu’il se passait et y a mis le holà.
N’allez pas croire que Mike est un mauvais Alpha. Bien au contraire. Seulement, Scott a fait de son mieux pour qu’il ne sache pas ce qui se passait. Ce qui, avec le recul, était aussi une énorme erreur. Mais ils sont à l’université, après tout, ils sont tous là pour apprendre.
Néanmoins, les évènements de l’année précédente ne sont pas ce qui le fait soupirer de bon matin. Non, il a un plus gros problème que ça. Et quel problème, demanderez-vous ? Kaspian. Oui, son problème a un prénom. Presque aussi sexy que la personne qui le porte, mais ce n’est pas le sujet.
Kaspian, membre du nid de vampires Latimer, également présent sur le campus de l’université SupraSouth, est une épine dans le flanc du jeune loup-garou depuis des mois maintenant. Il faut dire que dès que Scott l’a vu, il s’est mis à baver comme devant un bon gros steak bien juteux. Plus d’un mètre quatre-vingt-dix de muscles et de séduction, un sourire ravageur, des cheveux blonds qui trahissent son héritage scandinave, quand les Vikings et leurs drakkars voguaient encore en maîtres sur les mers et océans du globe, le vampire est un appel au sexe sur pattes. Et le vampire ne s’en prive pas.
Toutefois, Scott avait décidé de le savourer de loin. Pas qu’il soit au régime sans protéines, mais parfois, il est préférable pour notre santé d’éviter certains aliments. Scott avait donc renoncé à son bon gros steak bien juteux et se contentait d’une salade. Sauf que Kaspian l’avait également remarqué. Et avait poursuivi le jeune loup-garou avec ardeur et assiduité jusqu’à réussir à le mettre dans son lit. Ou dans le placard, puisque leur première fois s’était réellement passée dans un placard contenant le matériel de nettoyage de l’équipe d’entretien. On fait plus glamour, mais Scott n’avait pas vu ça. Pas tout de suite, en tout cas.
Au début, Scott portait ce qu’on peut appeler des lunettes roses à paillettes. Il marchait sur un petit nuage, incrédule qu’un adonis pareil puisse vouloir de lui. La douche froide était arrivée très vite quand il s’était rendu compte que son Viking était du genre à aborder plusieurs ports, plutôt que de s’attacher à un en particulier.
Après bien des péripéties – la porte d’entrée de la Tanière ne sera plus jamais la même – et des effets dramatiques homériques, Scott avait finalement rompu, pour de bon. Ce qui explique le soupir. Bien qu’il soit un beau salaud, Kaspian lui manque. C’est ainsi. Pourtant, qu’est-ce qui peut bien lui manquer, il n’en a aucune idée. Le sexe était incroyable, soit, il le reconnaît, mais sinon ? Ils n’avaient rien d’autre dans leur relation. Alors Scott ne comprend pas ce vide qu’il ressent et ça l’agace. Ce qui le fait encore plus soupirer.
Alors qu’il arrive en bas, il trouve la cuisine et le salon déserts, ce qui est plus qu’inhabituel. Normalement, un membre de la meute aurait été là pour l’accompagner à ses cours. Pas qu’il en ait besoin, mais après les deux coups d’éclat, la meute a décidé de lui montrer qu’ils l’aiment. Donc ils le suivent partout pour être sûrs qu’il ne lui arrive rien. Scott aurait cru que le fait d’éclater les deux Bêtas aurait prouvé qu’il n’avait besoin d’aucune protection, mais il ne va pas se plaindre. Enfin, pas trop. Bon si, soyons honnêtes, il râle. Beaucoup et avec force. Aussi, être seul est une vraie bénédiction. Il faut qu’il en profite.
C’est pour cette raison qu’il se dépêche d’atteindre la porte d’entrée et de la franchir, sans vraiment regarder où il va, trop heureux de son aubaine. Ce qui explique qu’il ne voit pas le cerf. Mort. Sur la pelouse. Juste au pied des marches. Il glisse et tombe les quatre fers en l’air dans une mare de sang.
Il y a une chose importante qu’il faut savoir sur Scott. En plus du fait qu’il pourrait être un Alpha s’il en avait envie, mais qu’il préfère n’avoir aucune responsabilité, il ne supporte pas la vue du sang. Non, ce n’est pas une blague. Vous connaissiez les vampires végétariens, désormais, vous connaissez le seul loup-garou qui s’évanouit à la moindre goutte de sang. Et c’est exactement ce qu’il fait.
On pourrait objecter qu’il n’a eu aucun problème quand il a massacré Carlos et Noclas, mais ça s’explique facilement. Nous y reviendrons plus tard. En attendant, Scott s’évanouit promptement.
Chapitre 2
Scott est mortifié. Plus que mortifié même, mais il n’a pas de mots pour décrire comment il se sent. Ce qui, pour un étudiant en langues, est plutôt la honte. N’empêche que ça ne change rien à ce qu’il ressent. Il est là, sur le canapé du salon de la Tanière, avec son Alpha et le mec de celui-ci, et ils en font tout un pataquès. Même Carlos et Noclas sont de la partie, mais eux au moins sont des écureuils, alors à part lui caqueter dans les oreilles, ils ne font pas grand-chose.
— Je vais bien, assure-t-il pour la énième fois.
Scott n’en peut plus. Alors certes, ils l’ont trouvé évanoui devant la maison, mais ce n’est pas une raison pour en faire une montagne. Comme du genre, l’étendre sur le canapé et lui interdire de se lever. Ou bien lui apporter un chocolat chaud et une couverture. Sérieusement, il faut qu’ils se détendent.
— Scott, tu t’es évanoui ! lui rappelle Mike avec force.
Il est gentil, son Alpha. Si si, gentil, mais là Scott se passerait bien de cette gentillesse.
— C’est à cause du sang, dit Scott dans un murmure gêné.
Cody le regarde avec de grands yeux ronds.
— Attends, tu ne supportes pas la vue du sang ?
Cette simple petite question fait rougir Scott d’embarras et fait que les deux petits écureuils se mettent à crier. Oui, Scott sait qu’il y a des moments où le sang n’est pas un problème, mais c’était différent. Ce qui se passe, c’est que lorsque Scott est extrêmement en colère – on parle de tellement en colère qu’il ne se contrôle plus – c’est comme si un fusible dans sa tête sautait et il se retrouve avec cette espèce de voile rouge devant les yeux. Ce qui fait que le sang ne devient qu’un liquide parmi tant d’autres.
— Cherche pas, dit Mike à son mec.
— Mais…
— Quand je deviens Berserk, le sang n’a plus d’importance, explique Scott.
L’Alpha et le Maître-vampire se figent à cette explication.
— Tu ne m’as jamais dit que tu es un Berserker, souffle Mike.
— C’est pas important, dit Scott en haussant les épaules.
Mike et Cody échangent un regard, mais ne commentent pas. À la place, ils reprennent leur routine de mères poules.
Scott le supporte, parce que ça les fait se sentir mieux et qu’il est comme ça. Ce qu’il ne peut pas accepter, c’est de voir la déception et la déconvenue sur le visage de ses amis. À bien y réfléchir, c’est même la source de tous ses problèmes, ce besoin de faire plaisir aux autres.
Il s’enfonce un peu dans les coussins du canapé et remonte la couverture sur ses épaules. Il n’a pas froid, mais le voir ainsi fait que les écureuils, l’Alpha et le vampire le laissent enfin tranquille afin qu’il puisse se reposer. Il sursaute quand une petite boule de poils vient se nicher dans son cou et semble lui faire un câlin. Étrangement, la présence de Squick est bien plus réconfortante que celle de ses amis.
Scott songe que la petite bête n’est vraiment pas farouche. Depuis que Cody l’a ramené à la Tanière – Scott n’est pas sûr d’avoir compris comment c’est arrivé – Squick est devenu la mascotte de la meute et du nid, et la bestiole voyage entre les deux maisons aussi souvent qu’elle le veut. Généralement, sur la tête de quelqu’un. C’est assez drôle, en fait.
Comment se sont-ils retrouvés avec, non pas un, mais trois écureuils est en partie un mystère et en partie une stupidité. Cody a ramené Squick pour une raison qu’il refuse d’expliquer, mais qui amène un sourire attendri sur le visage de Mike, et Noclas et Carlos ont été transformés par une sorcière après une soirée trop arrosée et des mots qui n’auraient jamais dû franchir les lèvres des deux Bêtas de tête. Et la sorcière refuse de les retransformer tant qu’ils ne se seront pas excusés. Ce qu’ils ne peuvent pas faire en étant des écureuils. Un vrai casse-tête.
Autant Scott trouve que la situation de Noclas et de Carlos est hilarante, autant il aime vraiment Squick. La petite bête est toujours là pour lui faire des câlins et il adore ça, mais ce qu’il préfère encore, c’est quand il trouve Squick et Carlos se câlinant. C’est adorable. Et Noclas doit penser la même chose parce qu’il s’arrange toujours pour les laisser tranquilles en allant embêter Kaylana.
Penser à Kaylana dirige forcément ses pensées dans une direction que Scott refuse de prendre. Parce que Kaylana n’est pas que le bras droit de Cody et une puissante vampire avec un surnom trop classe. Elle est plus que ça. Quoique, « le Fer de Lance », c’est déjà pas mal et puis, même sans ça, elle fout la trouille quand on ne la connaît pas. Quand on la connaît aussi, remarquez, mais lui sait qu’elle peut être douce et gentille. Des fois. Et des fois, elle est même réveillée. Il suffit de la voir avec Noclas. N’importe qui enverrait le loup-garou devenu écureuil balader, mais pas elle. Après avoir expliqué la situation à tous les professeurs du jeune homme, elle lui prend ses cours et a mis un système au point pour pouvoir écrire les réponses des interrogations écrites sous la direction de Noclas. Ils ont même une méthode pour qu’il puisse passer les oraux. C’est la preuve qu’elle est réellement adorable et que vraiment, vraiment, il est temps que Noclas redevienne un bipède pour qu’enfin, ils puissent être ensemble.
Scott caresse un instant l’idée d’aller parler à la jeune femme, mais il sait qu’elle se lancera dans une longue tirade expliquant qu’elle et Noclas ne sont qu’amis, sont heureux ainsi et blablabla. Elle est la seule à croire à cette ineptie, mais Scott ne peut pas lui jeter la pierre. Lui aussi sait ce que c’est que d’être dans le déni.
Et voilà. Penser à Kaylana l’a amené directement à penser à Kaspian. Ce satané vampire. Scott veut bien reconnaître que c’est de sa faute. S’il n’avait pas entamé une relation avec le géant blond, il n’en serait pas là aujourd’hui. Enfin, relation, c’est vite dit. Disons qu’ils se donnaient mutuellement des orgasmes plus que satisfaisants. Néanmoins, si du côté de Scott c’est devenu quelque chose de plus profond, il n’en a jamais rien été du côté de Kaspian. Et c’est ce qui rend tout ça douloureux. Rompre quand on n’est pas un couple, ce n’est pas vraiment rompre, pourtant, Scott a quand même le cœur brisé.
Scott soupire et passe la couverture sur sa tête. Avec un peu de chance, quand il émergera, le monde le laissera en paix.
***
Kaspian est plutôt fier de sa trouvaille. C’est donc les mains dans les poches et en sifflotant qu’il marche en direction de la Tanière, certain de trouver Scott les yeux embués de larmes de joie, regardant le cerf que Kaspian lui a déposé. C’est bien connu, tout le monde sait qu’un loup-garou aime qu’on lui prouve qu’on peut prendre soin de lui. Et ça passe bien sûr par la nourriture. Il a d’autres idées si jamais celle-ci n’est pas suffisante pour remettre Scott dans son lit, mais il est confiant. Il ne va pas avoir besoin de faire plus.
Sauf que lorsqu’il arrive devant la Tanière, il découvre que le cerf est en cours de déplacement par des membres de la meute et Kaylana s’approche de lui au pas de charge, une expression ombrageuse sur le visage et un écureuil courroucé sur l’épaule. Il se retient de rire. Sans doute est-elle jalouse de ne pas pouvoir faire la même chose avec celui qu’elle s’entête à ne pas appeler son petit ami. Sérieusement, quand vous passez votre temps dans les bras l’un de l’autre, quand vous textez toute la journée, même après un appel de plus de trois heures, quand vous faites tout, absolument tout, ensemble, on peut dire que vous êtes un couple. Kaylana a un avis différent et c’est moche parce que chaque fois qu’elle exprime sa réalité des choses, Noclas prend un air misérable qu’il s’efforce de cacher.
— Toi ! s’exclame-t-elle en le pointant du doigt. Je sais ce que tu as fait !
— Jalouse, la taquine-t-il, sûr de son effet.
Il se retrouve les quatre fers en l’air sans bien comprendre comment, même si la douleur de sa joue lui donne, au moins en partie, une explication.
— Jalouse de quoi ? Ta connerie ? gronde-t-elle.
Il ne peut s’empêcher de penser que plus ça va, plus elle prend des automatismes de loup-garou. Seulement, quelque chose lui dit que s’il lui fait la remarque, il va encore se manger une mandale et il aimerait autant manger autre chose. Comme Scott, par exemple. Mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
— Quelle connerie ? Mon plan est parfait, sourit-il en se relevant.
Pour plus de sécurité, il reste hors de portée de la vampire. Certes, il est plus vieux qu’elle, n’empêche qu’elle mérite bien son surnom de fer de lance. Un fer de lance est un serpent, surtout connu pour être le plus dangereux et le plus venimeux de la planète, mais également pour ses capacités de camouflage. Autant dire qu’avec son physique de poupée de porcelaine, elle est plus que parfaitement camouflée. Il arrive souvent qu’on lui tienne la porte ou que les gens lui parlent comme si elle avait douze ans. Ça l’agace, mais des fois, elle en joue.
N’empêche qu’il l’a quand même vue une fois arracher la tête d’un homme parce qu’il l’avait sifflée dans la rue. On peut donc comprendre qu’il tienne à garder ses distances. Il aime sa tête là où elle se trouve, merci bien.
— Ton plan ? répète-t-elle, incrédule. Et il consiste en quoi, ton plan à la con ?
— Ça ne te regarde pas, répond-il. Sache simplement qu’il est déjà en route.
— Je savais que t’étais assez con pour foutre ce putain de cerf sur la pelouse, grogne Kaylana entre ses dents. Il s’est évanoui, figure-toi !
— Il quoi ?
Kaspian n’arrive pas à en croire ses oreilles. Scott s’est évanoui à la vue d’un cerf mort. Il est sûr qu’il a mal entendu, ou bien c’est une blague. Un loup-garou ne peut pas tomber dans les pommes à cause du cadavre d’un animal. C’est juste impossible. Ce serait comme un vampire allergique au sang humain. Une aberration totale. Donc clairement, il a des problèmes d’audition.
— Tu vas rire, j’ai cru que tu avais dit qu’il s’est évanoui, rit-il.
Il se prend un autre coup de poing pour sa peine.
— C’est ce que j’ai dit ! Je sais ce que tu es en train de faire et ça n’arrivera pas !
Kaspian se relève en crachant un peu de sang. Il lui sourit, goguenard.
— Je veux juste le récupérer, lui assure-t-il avec son plus charmant sourire.
— Arrête de me prendre pour une gourde. Tu veux simplement lui donner une leçon. Tu sais que tu vas t’en mordre les doigts quand tu comprendras ce que tu vas briser ?!
Kaspian roule des yeux, parce qu’elle est tellement mélodramatique que ça en est agaçant.
— Je ne vais rien briser du tout, ronchonne-t-il. Je le mets dans mon lit, je romps et hop, je me tiens éloigné de lui.
Les yeux de Kaylana lancent des éclairs. Si elle était une sorcière, Kaspian aurait peur d’être frit sur place. Heureusement, elle est une vampire, il va donc simplement aller boire du sang qui provient d’ailleurs que de la réserve du nid. Elle serait bien capable de l’assaisonner, simplement pour lui donner une leçon.
— Ce n’est pas pour ça que tu veux le récupérer ! s’exclame-t-elle. Quand vas-tu enfin admettre que tu es amoureux de lui, bordel ?
Kaspian hurle de rire. Il ne peut pas se retenir, c’est juste trop hilarant pour qu’il ne l’exprime pas. Lui, amoureux ? Mais bien sûr.
— Je vais te dire, ricane-t-il. J’admettrai que je suis amoureux de Scott le jour où tu admettras que tu n’es pas seulement amie avec Noclas.
Ça coupe efficacement la chique de Kaylana, mais pas pour très longtemps.
— Tiens-toi loin de lui, c’est mon dernier avertissement !
Kaspian la regarde partir, content d’avoir eu le dernier mot. Néanmoins, son air suffisant se dissipe quand il reconnaît que la première étape de son plan a été un échec cuisant. Il va falloir qu’il trouve autre chose, et vite. Parce que du coup, ça foire le reste. Il ne peut pas passer à l’étape deux, si l’étape un n’est pas un succès.